Cette synthèse résulte de deux ateliers de jeu bouffon. L’un donné par Peggy Dias à La Ruche, école du Théâtre Kleber Méleau, et le second par Esperanza López et Bastien Semenzato à La Manufacture. Bastien Semenzato était assistant de Oscar Gómez Mata, qui a suivi, comme Esperanza López, la formation dispensée par Serge Martin, élève de Jacques Lecoq, lequel a réinventé le bouffon au début des années 1960.
Principes du jeu bouffon
Le comédien déforme sa silhouette à l’aide d’un costume rembourré de mousses. Ce costume (appelé « forme ») inspire instinctivement des manières de bouger (corporalité/physicalité)* par le poids et les pression qu’il exerce sur le corps du comédien. Voir Charlie Chaplin.
Changements d’état (bascule, tilt) très fréquents, et très externalisés dans le corps. Le comédien marque des ruptures nettes entre une intention/émotion (appelée « couleur de jeu ») et la suivante. Une rupture s’accompagne d’un changement de posture, de démarche, de niveau de tension corporelle, de voix, de rythme. Le bouffon ne pense jamais dans sa tête (?), ses émotions et intentions s’expriment dans son corps et sa voix. Ces changements d’état interviennent en réaction à une proposition du partenaire ou au sein d’une réplique du comédien.
Cet état (transformation physique et réactions physiques) est nommé « le masque ».
Une difficulté consiste à ne pas être surexcité ou surproductif, de ne pas diminuer la tension de la scène par de trop nombreux déplacements ou mouvements parasites. Ceci est particulièrement vrai pour la gestion du focus dans les scènes à plusieurs.
Relation au partenaire de jeu. Réagir par des bascules (tilt) émotionnelles fréquentes. Sous la surcharge cognitive (texte et indications de jeu), l’attention au partenaire (écoute) a tendance a passer au second plan. Alors, le jeu perd ses causalités et devient faux.
Relation au public aussi importante que la relation au partenaire de jeu. Les émotions sont partagées au public, comme en clown. « Ouvrir sur le public », signifie montrer son émotion en montrant son expression du visage/son corps/regarder le public.
L’algorithme est le suivant :
1. j’écoute mon partenaire de jeu
2. je réagis à sa proposition
3. je partage ma réaction au public
De plus, je peux réagir aux réactions du public.
Travail d’une scène : identifier l’enjeu et la situation. L’objectif premier est de faire vivre cette situation et enjeu.
Travail de chœur (on parle de « clique » ou de « clan » de bouffons). Identifier et renforcer le focus. Réagir de manière commune (écoute) aux propositions ponctuées.
On cherche un état de spontanéité, de liberté créative sur scène. Le comédien est libre de dévier de sa partition prévue et répétée pour improviser en réagissant à la situation présente, réagit aux accidents et aux propositions réelles (et non uniquement prévues) du partenaire. On parle de spontanéité par opposition à une partition (textuelle et physique) de laquelle il serait interdit de s’écarter.
Les répliques s’enchaînent sans temps de réflexion psychologique (?).
De plus, à moins que la proposition provoquant la bascule se trouve en fin de réplique, la bascule et le changement d’état physique se déroulent pendant la réplique du partenaire. La réplique suivante s’enchaîne alors dans le nouvel état. Par ailleurs, marquer des ponctuations dans les répliques encourage une réaction de changement d’état du partenaire ou du chœur.
* physicalité/corporalité : manière de bouger, posture, démarche, geste.