Nous sommes des machines.
Nos mouvements, nos pensées, notre personnalité émanent de l’activité électrique et chimique de notre cerveau.
En théorie, nos mouvements, nos pensées, notre personnalité pourraient donc être lus, écrits et effacés.
En pratique aussi.
J’étudie la neuromodulation et les interfaces cerveau-machine. Autrement dit : « Comment lire et écrire dans le cerveau ? »
Souviens-toi du doux parfum des corn flakes
Il y a un petit groupe de neurones dans le cerveau, nommé le locus coerelus, qui projette de la noradrénaline dans d’autres zones. A quoi sert cette noradrénaline ? Nous avons montré qu’elle sert à consolider la mémoire. Pour ça, j’ai entrainé des souris à associer une odeur à une récompense (un corn flake !). Chez certaines de ces souris, avec un virus et une fibre optique implantée (optogénétique), j’ai empêché les neurones de libérer la noradrénaline dans le bulbe olfactif… et ces souris allaient bien moins souvent vers l’odeur récompensée !
C’était aussi le cas lorsque j’empêchais la noradrénaline d’activer les neurones du bulbe olfactif (en bloquant les récépteurs par injection de produits chimiques). Une étude menée avec Christiane Linster à Lyon et à Cornell University, publiée dans Journal of Neuroscience.
Le sixième sens
Et si… nous pouvions avoir des sens supplémentaires ? Par exemple, percevoir les infra-rouges. C’est possible, et c’est ce que nous avons montré avec Eric Thomson à Duke University, dans le laboratoire de Miguel Nicolelis.
Nous avons installé des senseurs à infrarouge sur la tête de rats, et stimulé leurs cerveaux quand un infra-rouge était détecté. En moins d’une heure, les rats savaient utiliser leur nouveau sens pour se diriger.
Tous les détails dans l’article eNeuro.
Faire des trous dans les implants pour les rendre plus résistants
En implantant des fils électriques (électrodes) dans le cerveau, on pourrait lire ce qu’il se passe dans le cerveau ou le contrôler. Le problème, c’est que le cerveau est très mou et que les éléctrodes sont faites en métal dur. Alors quand le cerveau bouge (quand on respire, que notre coeur y balance du sang ou qu’on donne un coup de boule), le cerveau se déchire autour de l’électrode. Solution : rendre l’électrode molle ! C’est l’idée que nous avons testée avec Nicolas Vachicouras au sein du laboratoire de Stéphanie Lacour à l’EPFL. Nous avons créé des mini-trous en forme de handspinner dans des éléctrodes de quelques milimèmes de milimètres d’épaisseur (microfabrication). Ces trous permettaient aux électrodes d’être tirées dans toutes les directions sans se casser ! C’est ce que nous rapportons dans Science Translational Medicine.
Les neurones dissidents
Quand je veux bouger, mon cortex envoie l’ordre au corps… mais cet ordre est d’abord contrôlé par un groupe de neurones douaniers logeant à la frontière entre le cerveau et le corps : les ganglions de la base. En temps normal, ils font bien leur job. Pour être bien concentrés, ils ont besoin de dopamine. Mais dans la maladie de Parkinson, il n’y a plus assez de dopamine dans le cerveau, et ces ganglions de la base refoulent les ordres de mouvements : le patient est bloqué. Avec des cables électriques implantés dans le cerveau, on enregistre l’activité électrique des ganglions de la base quand le patient bouge, ou, au contraire, qu’il a du mal à bouger pour comprendre leur rôle. Une étude menée avec Eduardo Martin Moraud au centre Neurorestore à Lausanne, dirigé par Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch.
Illustration : @Neurorestore / Jimmy Ravier